Taïeb : Freshkills. Recycler la terre
L'île de Staten Island, à New York, a hébergé de 1948 à 2001 ce qui devint peu à peu l'une des plus grandes décharges à ciel ouvert du monde,
Mordor urbain, la décharge de Fresh Kills ne devait initialement être opérationnelle que pour trois ans. Mais au fil du temps, des montagnes d'ordures, littéralement, s'y sont érigées.
La dernière barge de déchets y sera déposée en mars 2001. Aujourd'hui, le site de Freshkills se transforme en un parc verdoyant, parmi les plus grands de New York, construit au-dessus des déchets enfouis.
Ce qu'en dit l'autrice
La première fois que j'ai entendu parler de ce lieu, c'est dans le roman fleuve de Don DeLillo, Outremonde. Par curiosité, je me suis demandé à quoi ressemblait la décharge de Fresh Kills, et j'ai fait une découverte dont, d'une certaine manière, je ne suis toujours pas revenue : je n'ai pas vu ce à quoi je m'attendais, des tas monstrueux d'ordures. À la place, il y avait des images de collines verdoyantes et d'une rivière bleutée. Les tas d'ordures y sont toujours, pourtant, mais ils sont recouverts. Le site entier est en cours de réhabilitation, pour reprendre ce terme qu'on applique aux personnes ou aux choses qui ont subi une déchéance.
Parce que j'étais fascinée, je me suis mise à lire les travaux de ceux qui travaillent de longue date sur la question des déchets : les urbanistes, les anthropologues, les gestionnaires, les géographes. Dans le même élan, je suis partie pour Staten Island, je suis allée voir Fresh Kills, la décharge qui n'existe plus et j'ai trouvé Freshkills (on notera ici la disparition de l'espace), le parc en devenir. À mon retour, j'ai écrit ce livre, qui est à la fois récit de mon voyage, histoire de ce lieu singulier, et tentative de compréhension, par l'esprit mais aussi par les sens, et par l'imagination : dans quel monde vivons-nous, lorsque les déchets sont absents de notre champ de vision, et pourtant omniprésents ?