Sartre : L'Age de raison. Les Chemins de la liberté I
«Ivich regardait à ses pieds d'un air fermé.
- Il doit m'arriver quelque chose.
- Je sais, dit Mathieu, votre ligne de vie est brisée. Mais vous m'avez dit que vous n'y croyiez pas vraiment.
- Non, je n'y crois pas vraiment... Et puis il y a aussi que je ne peux pas imaginer mon avenir. Il est barré.
Elle se tut et Mathieu la regarda en silence. Sans avenir... Tout à coup il eut un mauvais goût dans la bouche et il sut qu'il tenait à Ivich de toutes ses forces. C'était vrai qu'elle n'avait pas d'avenir : Ivich à trente ans, Ivich à quarante ans, ça n'avait pas de sens. Il pensa : "Elle n'est pas viable."»