Ionesco : Victimes du devoir
Voici une des pièces préférées de Ionesco. Il y a mis ses deux vies, celle qu'il a eue, marquée par l'enfance solitaire, par la famille désunie à cause du père, par la conscience de la lourdeur du monde mais aussi par l'illumination des années 1926-1927 ; et celle qu'il eût voulu avoir, dans la réconciliation avec le père, la fin de toutes les pesanteurs et le retour de la lumière. Il y a mis en outre la défense de son théâtre et le refus des conformismes. D'autres aspects ne sont pas mineurs : l'éloge du théâtre «non réaliste», la critique des conventions. L'intrigue n'est guère résumable : l'itinéraire qui mène Choubert, homme doux et timide, du mariage à une mort cruelle en passant par une descente aux enfers, et des moments d'illumination magique, est à la fois loufoque et symbolique, drôle et tragique. On y rencontre un policier, un psychanalyste, un bourreau, Nicolas d'Eu. On y rencontre surtout l'auteur : «J'arrachai mes entrailles», a-t-il dit de l'écriture de sa pièce.