Diderot : Les bijoux indiscrets
" Vous voyez bien cet anneau, dit-il au sultan ; mettez-le à votre doigt, mon fils.
Toutes les femmes sur lesquelles vous en tournerez le chaton raconteront leurs intrigues à voix haute, claire et intelligible : mais n'allez pas croire au moins que c'est par la bouche qu'elles parleront. -Et par où donc, ventre-saint-gris ! s'écria Mangogul, parleront-elles donc ? -Par la partie la plus franche qui soit en elles, et la mieux instruite des choses que vous désirez savoir, dit Cucufa ; par leurs bijoux.
-Par leurs bijoux, reprit le sultan, en éclatant de rire : en voilà bien une autre. Des bijoux parlants ! cela est d'une extravagance inouïe. -Mon fils, dit le génie, j'ai fait bien d'autres prodiges en faveur de votre grand-père ; comptez donc sur ma parole. Allez, et que Brama vous bénisse. Faites un bon usage de votre secret, et songez qu'il est des curiosités mal placées. " Cela dit, le cafard, hochant de la tête, se raffubla de son capuchon, reprit ses chats-huants par les pattes, et disparut dans les airs.