Jordis : Le pays des ombres
« La faune se tut, laissant la végétation peupler le silence. Une lente inertie envahit l'espace. On se tenait aux aguets, conscients de la nuit qui nourrissait une peur sans objet, échangée sans bruit, comme une question indéfinie et lourde d'attente. Les tables vides, les chaises rangées, la vieille bibliothèque aux livres rongés par le temps, le bar dans le sombre renfoncement, tout paraissait destiné à une réunion de fantômes. On avait dû se tromper de piste, prendre une voie parallèle, et on se retrouvait au beau milieu d'un banquet de spectres. À chaque mouvement de l'air, l'impression de sentir des esprits circuler chargeait l'atmosphère d'une curieuse ambiguïté. On pouvait presque distinguer le rire malveillant d'une influence sournoise cachée derrière l'apparence des choses. De la musique suivit, puis d'autres voix, énergiques, enjouées, et Ousmane entra dans la salle, tenant une petite radio à la main, comme un talisman. »