Ly : Toiles d'araignées
Roman réaliste inspiré par l'expérience carcérale de l'auteur. Ibrahima Ly dénonce certaines pratiques traditionnelles (le mariage forcé, etc.) et les régimes militaires au pouvoir en Afrique noire (au Mali, en particulier) dans les années 1970.
Dans la léthargie générale, un cri de stupéfaction retentit : Tiens ! tiens ! nous avons une nouvelle locataire, une pucelle de seize ans.
Les regards se braquent sur la chambre des femmes, sur le côté nord, entre le magasin et la chambre des fonctionnaires, et découvrent une jeune fille assise sur le pas de la porte, le dos tourné à la cour, la tête sur les mains, elles-mêmes posés sur les genoux serrés l'un contre l'autre. Elle semble couver dans son giron ce qui pourrait lui rester de dignité. Des spasmes violents la secouent périodiquement, entrecoupés d'horripilations qui la font frémir.
Celui qui a attiré l'attention sur elle et qu'on appelle "le Babouin " à cause de sa laideur- son nez est si écrasé que chacun de ses yeux peut observer l'autre, sans l'intermédiaire d'un miroir- lance comme à la cantonade : Petite sœur ! Les larmes sont ici aussi inutiles que le pipi de chat. Tu arrêteras de couiner et de faire la tête et tu te mettras à l'heure de notre montre. Le loustic parvient à ses fins.
Les prisonniers opinent de la tête, d'autres pouffent de rire. Le Babouin encouragé poursuit : La dignité et la fierté sont les pires ennemis du prisonnier.