Habib : Comment peut-on être plus tolérant ?
Née au XVIIe siècle, la tolérance est devenue notre vertu centrale, au point de se confondre avec la démocratie. Mais ses conditions d'exercice ont changé : le schisme protestant mettait au défi de faire coexister des versions différentes du christianisme. Notre situation est tout autre. Les revendications de droits subjectifs, d'une part, et les migrations, d'autre part, ont bouleversé les thèmes, puis l'exercice de cette vertu : nous devons accepter les orientations sexuelles les plus diverses tout en accueillant les croyances et les moeurs de populations d'origines variées.
Le basculement d'une partie des opinions en Europe et aux États-Unis indique que la tolérance n'est pas acquise. Elle exige de chacun un effort permanent pour surmonter ses propres aversions. Détachée des aversions, la tolérance est creuse. Dégagées de la tolérance, les aversions peuvent devenir criminelles. Il faut donc penser ensemble ces deux notions. C'est au jugement politique et moral qu'il incombe de réviser nos manières de vivre, voire de réprouver certaines coutumes. Car tolérer, ce n'est pas pérenniser les appartenances. C'est empêcher l'humiliation de l'homme par l'homme.