Bernard : Croquemort. Une anthropologie des émotions
Les funérailles constituent un cadre social particulier avec ses règles et ses codes. Il y a le mort, la famille et ceux qui enterrent. Julien Bernard a répondu à une offre d'emploi proposant d'être « porteur de cercueil pour les cérémonies funéraires ». C'est ainsi qu'il a fait profession de croquemort au sein des pompes funèbres. Faisant parallèlement des études de sociologie, il note au jour le jour son approche et la réalité de ce terrain à la fois central et à part dans notre culture.
Comment s'intégrer à une équipe de travailleurs de la mort, comment, entre la compassion, l'engagement, l'humour noir et l'obligation au protocole, arrive-t-on à développer et à porter un regard objectif sur cet étrange et nécessaire travail social qui se constitue « par le bas » grâce à des mécanismes de coordination effective entre les individus sociaux.
Depuis la rencontre des familles jusqu'à la tombe ou le crématorium en passant par la délicate prise en charge des corps, ces professionnels de la mort apprennent à gérer leurs émotions. Véritables grammairiens du « soutien », ces hommes qui nous enterrent sont aussi les metteurs en scène et les acteurs de nos funérailles durant lesquelles ils essaient de « mettre en sens » la mort et de maîtriser la balance de l'énergie émotionnelle et collective que libère toute perte humaine. Attentif à ces « points de frottement » très particuliers que sont les dernières confrontations entre les proches et le mort, l'auteur réussit ce tour de force de nous faire pénétrer dans l'univers méconnu de ces travailleurs dont l'art consiste à se glisser un temps dans cet entre-deux, à la fois avec une proximité suffisante pour comprendre ce qu'ils ressentent et une distance sociologique nécessaire pour nous permettre de saisir sans nous épouvanter le quotidien maîtrisé du croquemort.
Né en 1980, Julien Bernard a fait des études de sociologie à Poitiers et à Toulouse. Après un passage dans le journalisme, il fait l'expérience de divers petits boulots en parallèle de ses études, notamment employé dans une entreprise de pompes funèbres. Il a décidé de faire de cette expérience son sujet de thèse. Après s'être intéressé en licence et en DEA aux supporters de football et aux passions musicales, il a choisi, cette fois, d'étudier les émotions dans le contexte de la mort. Son travail, soutenu en 2007 à l'université de Poitiers où il était alors chargé d'enseignement, portait le titre « Emotions et rituel dans le travail des pompes funèbres » ; « Croquemort, une anthropologie des émotions » en constitue l'armature principale.