Berthier : Stendhal. Vivre, écrire, aimer
Faut-il, pour écrire, renoncer à vivre ? A cette question, contrairement à Flaubert, Stendhal a résolument et très tôt répondu non. S'il a su d'emblée qu'il serait écrivain (en toute simplicité, le Molière du XIXe siècle), l'écriture n'a été pour lui qu'une passion parmi d'autres, aussi définitives : l'amour de la musique et de la peinture, l'amour des paysages, l'amour des idées : l'amour de l'amour, sous le signe du même goût violent d'être heureux.
Dans le tourbillon d'une Histoire emportée hors de ses gonds comme dans la léthargie de la modernité bourgeoise, il reste imperturbablement fidèle à ses choix propres : préférant aux fausses urgences de l'engagement les échanges intellectuels, les émotions jamais fanées que lui apportent 1a fraîcheur alpestre d'un lac italien, les chairs ambrées du Corrège et par-dessus tout une femme qui, dans le clair-obscur rêveur du théâtre, chante Mozart et Rossini. A travers les aléas d'une vie contrastée, Stendhal est aussi et surtout "un homme qui pense à autre chose", dans une secrète patrie où son désir revisite inlassablement les mêmes lieux fétichisés. Parfaitement là, et complètement ailleurs.
L'auteur a souhaité rendre sensible cette fidélité à soi-même, dans un récit dégraissé, mené sur un tempo vif, et qui surtout échappe au fléau du dix-neuvième siècle qu'était pour Stendhal la gravité. S'approcher en somme de cette chimère : une biographie de Stendhal que Stendhal lui-même aurait eu plaisir à lire.