Filippetti : Les derniers jours de la classe ouvrière
Deux enfants dansaient et sautaient dans la cour déserte de l’école primaire. Deux petites filles surprises et ravies par la joie de la cité. Personne ne les avait vues sortir. Elles ne comprenaient pas pourquoi c’était si surprenant que la gauche eût gagné. Elles vivaient au milieu de militants communistes, parfois socialistes. La droite, ça devait bien exister, puisqu’on en parlait, mais c’étaient les patrons, c’était loin. Il y avait donc de vraies gens qui ne votaient pas communiste ? Elles ne se posèrent pas longtemps la question. Qu’importe la raison, c’était un soir de fête. Elles se sentaient un peu ridicules, mais il fallait marquer le coup. Elles grimpèrent sur le mur de l’école, levèrent leur visage vers la voûte constellée d’étoiles et crièrent du plus fort de leur souffle de huit ans : « On a gagné ! On a gagnééé ! »