Bizot : Ame qui vive
Dans une campagne isolée et vaguement montagneuse, quatre hommes se rendent visite ; et s’ils ne se disent pas grand-chose, ils s’entendent et la circulation de l’inattendu les emmène en voyage.
Raconté par un tout jeune homme mutique, Âme qui vive plonge le lecteur dans le vertige paradoxal d’un silence habité, loquace et palpitant, animé d’une drôlerie funambule.
Comme toujours chez Véronique Bizot, ce qui se joue entre ces trois maisons vides et ces quatre hommes seuls échappe au saisissable : la tragédie est source de perplexité, la place de l’Étoile est exotique, les tropiques menaçants et la famille un pur mystère. Rien ne se passe comme prévu et tout peut arriver.
Radical et buté, le silence qui règne sur ce ballet de solitudes solidaires est chaleureux et le roman distille une surprenante douceur, désertant les environs du désespoir pour, aux confins de l’improbable, faire jaillir une lumière orageuse mais enveloppante : la possibilité d’un avenir.
"J’ai commencé avec cette image à la fois nette et floue d’une vaste maison austère située quelque part dans la brume d’un paysage de petite montagne, c’est-à-dire avec l’image d’un lieu, dans la mesure où un lieu m’apparaît toujours aussi « parlant », sinon plus, que le ou les personnages qui l’habitent, comme si ceux-ci, même s’ils ont délibérément choisi d’y vivre, demeuraient soumis à ses exigences. Exigence particulière d’un décor de montagne, rudesse, isolement, brouillards, autant d’éléments qui toujours m’attirent, comme des reflets de nos existences et de notre endurance. De ces brouillards, de cet isolement, ont l’une après l’autre émergé quatre silhouettes d’hommes réunis par des circonstances plutôt hasardeuses, et qui peu à peu se sont précisées pour moi, à travers le regard du narrateur. Ce narrateur, le plus jeune des quatre hommes, a la particularité d’être mutique mais c’est à lui que j’ai spontanément confié la narration, en vertu de cette évidence qui est que ce n’est pas parce qu’on se tait qu’on n’a rien à dire. Observateur attentif à tout, il traverse le livre du fond de son silence, à la fois comme une chambre d’écho et comme une conscience singulière, sa pensée charrie celle des autres, entre défi et désenchantement, ironie et attachement. Et maintenant que j’ai terminé le livre, je vois qu’il exprime aussi quelque chose de l’ambivalence entre la nécessité de la solitude et la nécessité du lien, deux composantes entre lesquelles il me semble que nous ne cessons d’osciller, éternelle contradiction, une parmi tant d’autres, dont il faut bien se débrouiller."
V.B