Ebodé : Souveraine magnifique
«... J'ai donc voulu voir Souveraine Magnifique, cette rescapée des vastes massacres qui se sont abattus sur le Rwanda en 1994 avec la fureur de cyclones sanglants.
C'est le pouls battant, mais la tête froide, que j'ai frappé à la porte de la jeune femme. On ne sait jamais qui vous scrute derrière des rideaux à peine frémissants. On ignore ensuite quel être, surgissant des fumeroles d'une épouvantable histoire, vous invitera à découvrir sur les marches du soir les fantômes qui peuplent et crucifient sa mémoire.
Tout au long de nos conversations, ses souvenirs, ses confessions, sa colère moite, sa rage intacte portaient encore, vingt ans après la tragédie, trace des cris, des râles et des chuchotements venus d'outre-tombe.
Ma rencontre avec Souveraine Magnifique et la vache Doliba, qu'elle cogérait avec le bourreau de ses parents, m'a montré combien la sagesse des anciens a pu voler au secours des temps modernes englués dans leur morale et leurs procès.
Depuis les brumes bleutées des collines rwandaises jusqu'aux eaux rougeoyantes de la Ruzizi, cette rivière qui sépare plusieurs pays de la région des Grands Lacs africains, j'ai entendu la voix de Souveraine Magnifique, son cœur, son âme.» Eugène Ébodé.