Pagano : Les mains gamines
Les Mains gamines est le troisième roman que nous confie Emmanuelle Pagano. Comme ça, à première vue, ce titre plaisant, presque charmant, semble annoncer une histoire agréable et poétique, pleine d’enfance. Et, de fait, l’enfance est présente dans ce livre et une certaine forme de poésie n’en est pas absente – une forme étrange, d’ailleurs qui, tout en évitant soigneusement la métaphore fait surgir à l’esprit du lecteur des images, des couleurs et des atmosphères souvent splendides.
Mais, en réalité, Les mains gamines racontent une histoire terrible. Celle d’une enfant qui pendant une année scolaire tout entière, en CM2, est tous les jours systématiquement violée par les garçons de sa classe – tous les garçons sauf un. Ils sont trop petits Sans doute. Alors ils se serviront de leurs mains.
Aujourd’hui, le temps a passé. Elle est domestique de l’un de ses anciens tortionnaires. Elle écrit dans un carnet, elle essaie de dépasser cette histoire qui est aussi un secret collectif, elle n’y arrive pas, elle y revient toujours allant même jusqu’à suggérer à son patron d’organiser une fête avec tous les anciens de la classe…
Quatre personnages, porteurs conscients ou non de ce secret, vont tour à tour nous permettre d’en prendre la mesure. Des femmes, seulement des femmes, des femmes qui se sont tues alors qu’il aurait fallu parler, ou qui ne savent pas mais se doutent, comprennent et spécialement dans leur corps, par leur corps, que quelque chose est là tout autour qui ne peut se dire.
À travers de très habiles et très émouvants flux de conscience Emmanuelle Pagano, à la fois révèle le secret et en décrit l’enfouissement. Elle le fait dans une langue magnifique et implacable, précise, sensuelle.