Gaudy : Plein hiver
Par une aube tranquille et glaciale, un jeune homme apparaît, seul, sur la route de Lisbon, dans le Nord des États-Unis. Aussitôt naît la rumeur qui bientôt envahit les rues de la ville : David Horn est revenu.
Quatre ans plus tôt, le garçon de quatorze ans n’est pas rentré d’une soirée comme les autres au cours de laquelle, en compagnie de sa petite bande, il avait refait, rageur, le tour d’un univers étriqué circonscrit par la montagne, le ciel pâle, une rivière minuscule. Son retour perturbe l’équilibre de la communauté, qui s’était resserrée sur son absence, et suscite plus de méfiance que d’enthousiasme.
Celui qui revient peut-il être le même que celui qui est parti ? Plein hiver explore cet espace blanc de l’identité à petites touches précises qui pénètrent peu à peu le mystère des personnages. Sur le temps qui passe et les rêves plus grands que l’Amérique, sur les éloignements nécessaires et la méconnaissance de ceux qu’on aime, Hélène Gaudy compose un roman fiévreux, trouble comme les blessures d’enfance, qui dessine la cartographie d’adolescences en suspens.
"C’est l’histoire d’un revenant.
De celui qui revient quand aucun retour ne semblait possible.
Tout est venu d’un article sur un jeune homme qui s’était fait passer à plusieurs reprises pour des enfants disparus. Un coucou, un Martin Guerre, un Peter Pan puisque, trentenaire, il continuait à se mettre dans la peau de très jeunes adolescents, à s’infiltrer dans leurs familles, à tenter de se faire aimer à la place des autres.
J’ai longtemps gardé en tête une phrase, Il s’était déplié : une fois démasqué, cet homme avait soudain retrouvé sa taille, sa stature, cessé d’être un enfant. Que s’était-il passé entre le moment où son corps s’était glissé à une place qui n’était pas la sienne et cet instant où il s’était ainsi déplié ? Cette image est devenue un point de départ que j’ai voulu creuser pour y implanter une autre histoire.
David Horn avait quatorze ans quand il a disparu. Il en a dix-huit quand, en ville, court la rumeur de son retour. Ce qui a été gommé, c’est son adolescence – blanche, rayée de la carte. Quelle que soit son identité, celui qui revient ne peut être tout à fait le même que celui qu’on a perdu. Au fil d’une construction circulaire, de fragments d’images récurrentes, se révèlent des liens forcément réinventés, des rapports de pouvoir entretenus dans l’enfance, la difficulté de connaître ceux qui nous sont proches et de se protéger de leur perte.
Le lieu est au coeur du roman : Lisbon, homonyme pauvre de la cité portugaise, aussi froide, close et inhospitalière que l’originale est chargée de voyages et de rêves. Une ville fictive avec ses légendes urbaines, la présence écrasante des montagnes, son interminable hiver, son shérif absent, son unique motel.
Cette Amérique n’a rien d’un refuge ou d’une terre promise. Elle aussi enferme ses enfants et les pousse à la fuite. Dans cette ville simulacre, le mensonge, aux autres ou à soimême, s’impose comme une voie possible pour accepter l’absence."
H. G