Peju : L'état du ciel
«Au ciel tout va mal, Dieu se détourne de sa création. Les Anges sont livrés à eux-mêmes. Seul Raphaël, sans mission ni message, médite encore un modeste miracle. Depuis son balcon il se penche au-dessus du monde. Le ciel s'ouvre. Le hasard fait – mais est-ce le hasard? – que là-bas, tout en bas, dans une maison construite à flanc de montagne, surplombant un lac dont les reflets font paraître le ciel plus beau, il aperçoit une femme endormie.
Nora est allongée en travers du lit défait, paupières closes, encore absente au monde, la chemise de nuit remontée au-dessus de la taille, les seins évadés du coton blanc. Un premier rayon de soleil vient glisser sur sa chair, gainer lentement ses jambes, caresser ses cuisses, chauffer son ventre. Le matin le plus ordinaire est aussi l'origine du monde.
Quand la lumière atteint son visage, plaquant sur ses yeux une lame chauffée au rouge, Nora fait un bond hors du lit. Debout au milieu de la chambre, elle vacille. Ses pieds nus collent au carrelage tandis que la chemise retombe autour de son corps luisant de sueur. Son cœur cogne, comme d'habitude, à la seule idée de devoir affronter le jour.»