Quignard : Requiem. Enfant qui repose et roche de Cumes par Leonardo Cremonini
J’ai souhaité poser côte à côte l’envie de ressusciter et l’envie de périr.
Le roi David et la Sibylle de Cumes.
Ils se côtoient à la porte des enfers.
J’ai suivi la liturgie des requiem. J’ai simplement placé le prophète David dans le chœur, la Sibylle face à lui, passant la porte obscure, encore engloutie dans l’ombre de la nef.
Sa grotte s’ouvrait à Cuma. Elle était située auprès de la bouche de l’Averno. Dans Pétrone, Trimalchio affirme : “J’ai vu la Sibylle. Je l’ai vue de mes yeux vue, à Cumes, dans son antre, dans les flammes du volcan, aux portes de l’enfer. Elle était si vieille, elle était si rétrécie qu’elle vivait dans une ampoule maintenue dans les airs. Quand nous autres enfants nous lui demandions : Sibylle, que veux-tu ? Elle nous répondait : Je veux mourir.”
La Sibylle romaine suppliait déjà les ombres quand elle mena Énée avec son rameau d’or sur les rives de l’Achéron. Déjà elle réclamait la nuit. Déjà elle hélait la fin, la mort sans rêve, l’anéantissement.
Toujours, quoique les croyants disent, face à l’obsession paradisiaque, persiste le désir de déserter. La vie nous a donné avec elle-même la liberté d’en interrompre le cours. La possibilité de mourir est comme un talisman que nous portons avec nous. En rédigeant mes répons je vis tout d’abord Beng Ekerot avec sa capuche noire lorsqu’il jouait la Mort dans Le Septième Sceau.
Puis je traversai les fleurs. Je montai au septième étage de la rue de Buci. Leonardo Cremonini me prêta le visage d’un enfant qui repose et me donna en plus une roche de Cumes.
Alain Demillac consacra deux mois au grec de la Sibylle.
Thierry Lancino monta jusqu’à la ruelle de la colline où je vis. C’était en novembre. Je ne le connaissais pas. Il vivait et composait à New York. Je lui montrai derrière le terrain vague la maison aux volets rouillés. Je lui dis :
– C’est la maison où vivait Messiaen autrefois.
Il la contempla. Je lui dis :
– Nous partageons les mêmes merles. Je dis cela au-delà de sa mort. » P. Q.