Blanchot : Faux pas
« L'écrivain se trouve dans cette condition de plus en plus comique de n'avoir rien à écrire, de n'avoir aucun moyen de l'écrire et d'être contraint par une nécessité extrême de toujours l'écrire. N'avoir rien à exprimer doit être pris dans le sens le plus simple. Quoi qu'il veuille dire, ce n'est rien. Le monde, les choses, le savoir ne lui sont que des points de repère à travers le vide. Et lui-même est déjà réduit à rien. Le rien est sa matière. Il rejette les formes par lesquelles elle s'offre à lui comme étant quelque chose. Il veut la saisir non dans une allusion mais dans sa vérité propre. Il la recherche comme le non qui n'est pas non à ceci, à cela, à tout, mais le non pur et simple. Du reste, il ne la recherche pas ; elle est à l'écart de toute investigation ; elle ne peut être prise pour une fin ; on ne peut proposer comme but à la volonté ce qui prend possession de la volonté en l'anéantissant : elle n'est pas, voilà tout ; le "Je n'ai rien à dire" de l'écrivain, comme celui de l'accusé, enferme tout le secret de sa condition solitaire. »