Le Clézio : Le rêve mexicain ou la pensee interrompue
Au cours du mois de mars 1517, les ambassadeurs de Moctezuma, seigneur de Mexico-Tenochtitlan, accueillent le navire de Hernán Cortès et cette rencontre initie une des plus terribles aventures du monde, qui s'achève par l'abolition de la civilisation indienne du Mexique, de sa pensée, de sa foi, de son art, de son savoir, de ses lois.
De ce choc des mondes vont naître des siècles de colonisation, c'est-à-dire, grâce à la force de travail des esclaves et à l'exploitaion des métaux précieux, cette hégémonie de l'Occident sur le reste du monde, qui dure encore aujourd'hui. Alors commence le rêve, comme un doute, comme un regret, qui unit les vainqueurs et les vaincus à la beauté et aux forces secrètes du Mexique. Rêve du soldat Bernal Díaz del Castillo, témoin des derniers instants du règne orgueilleux des Aztèques, rêve de Bernardino de Sahagun devant les ruines de la civilisation et la splendeur des rites et des mythes qui s'effacent. Rêve qui s'achève dans la mort des dernières nations nomades du nord et du nord-ouest, rêve que poursuit Antonin Artaud, jusque dans la Montagne des Signes, au pays des Indiens Tarahumaras.
Le rêve mexicain, c'est cette question aussi que notre civilisation actuelle rend plus urgente : qu'aurait été notre monde, s'il n'y avait eu cette destruction, ce silence des peuples indiens? Si la violence du monde moderne n'avait pas aboli cette magie, cette lumière?