Fabre : Il faudrait s'arracher le coeur

« Il portait une chemise blanche, un jean bleu nuit, il était très élégant. Quand je suis arrivé, son père lisait le journal dans la grande pièce, le double living. Je pense à ma mère en disant cela : un double living, ça lui plaisait. Au bout d’un certain nombre d’années, tous les mots vous font penser à des gens, et les gens disparaîtront, mais pas les mots. Les mots ne disparaîtront jamais tout à fait. »
Chacun des trois mouvements – au sens musical du terme – qui composent ce roman a pour leitmotiv une phrase obsédante : « Il faudrait s’arracher le coeur » (sur le suicide d’un ami), « Je vais devoir vous laisser » (sur la désertion du père), « Qu’est-ce que je voulais dire ? Pas la messe… » (sur le déménagement de la grand-mère). Trois variations subtiles sur le thème du délaissement, ce sentiment discret qui vous saisit lorsque la vie prend soudain un goût d’abandon. Tout ce qui n’est pas écrit disparaît, disait lui aussi James Salter.

Pour Dominique Fabre, écrire sur sa jeunesse perdue n’est pas affaire de nostalgie, mais de précision. Que lisiez-vous en 1983 ? Duras ou Albertine Sarrazin ? Étiez-vous fan de Sonic Youth ou du Köln Concert ? Parlez-nous du pub Renault. Peu à peu, c’est la cartographie émotionnelle d’une époque qui se dessine, sous la plume sensible de Dominique Fabre.

Dominique Fabre est professeur d’anglais. Il a notamment publié Moi aussi un jour, j’irai loin (Maurice Nadeau, 1995 ; Points, 2012), Ma vie d’Edgar (Le Serpent à Plumes, 1998) et, plus récemment, J’aimerais revoir Callaghan (Fayard, 2010).