Chollet : Un garçon si tranquille
« Elle allait mourir. L'issue ne faisait aucun doute. Alexis attendait cet instant depuis le début, sans pouvoir s'y préparer. Maintenant il ne demandait plus grand-chose : “Encore une minute, monsieur le bourreau.” La minute de répit supplémentaire qui durerait plusieurs heures, tout ce temps en trop, inutile. Il avait appris à patienter et il n'avait plus rien à faire, qu'à laisser mijoter l'angoisse dans l'apnée de ses sentiments. Ces derniers temps, le médecin l'avait chargé de la délicate mission de doser la morphine. Tâche douloureuse de la toute-puissance : Si vous sentez qu'elle a mal, appuyez ici. Mais, bien évidemment, cela accélèrera la fin...
Bien évidemment. Ce jean-foutre lui avait mis entre les mains un marché sans issue : la drogue la soulageait et la tuait en même temps. Pendant deux ans les médicastres les avaient traînés de bien évidemment en je vais vous donner un conseil, sans jamais admettre leur incapacité à sauver sa mère. Même pas en biaisant avec des mots décents ou courageux. Qu'on le prévienne une bonne fois pour toutes que c'était terminé ! Personne n'a le courage de l'annoncer. Ils avaient fini par le laisser tomber, cette fiole de morphine à la main, et quelques nuits d'hiver glacées devant lui. » François Chollet