Delerm & Delerm : Les chemins nous inventent
Balades, flâneriesà Je cherche le mot le plus léger pour dire ce que furent ces instants volés au ciel de Normandie. Oui, tout autour de chez moi, et pas très loin le plus souvent. Mais après tout, cela pourrait aussi bien être partout ailleurs. C'est le regard qui compte, et cette envie d'aller par les chemins. Bien sûr, les rivières étaient belles. Mais d'un matin de gel à la lenteur d'un soir d'été, la lumière les appelait, chaque fois différentes. J'apprenais à nommer la campagne qui m'entourait, mais elle menait toujours plus loin. J'apprenais à me perdre plus qu'à me retrouver.
Dix ans de flâneries à deux, et ça, c'est un tout autre privilège. Partager le silence des chemins avec la femme que l'on aime. Je griffonnais des notes, elle prenait des photos. De ces regards croisés passaient plus tard des images et des mots qui marchaient l'amble. Il n'y avait rien que des lumières échangées et quelquefois un café chaud, très tôt, au hasard d'un village. Mais aujourd'hui je vois qu'un livre est né ; je tremble un peu de voir qu'il nous ressemble, de maraudes en chemins d'eau. Léger, fragile, un livre de balades, de saisons, dix ans flânés à regarder ensemble. Les chemins nous inventent. Il faut laisser vivre les pas. (Philippe Delerm)
Photos par Martine Delerm