Sapiro : La guerre des écrivains 1940-1953
Pourquoi certains écrivains ont-ils collaboré sous l'Occupation quand d'autres choisirent de résister et d'autre encore d'embrasser la cause d'un pétainisme triomphant ? Loin de l'approche classique, qui voit dans chaque prise de position l'aboutissement logique d'une histoire singulière, Gisèle Sapiro montre, au long d'une démonstration implacable et fortement documentée, que les attitudes politiques des uns et des autres furent avant tout fonction de la place qu'ils occupaient dans le champ littéraire, autrement dit que les clivages politiques s'éclairent à la lumière des querelles littéraires, des rivalités entre générations, des divergences entre moralistes et tenants de l'art pur. Autrement dit encore, que rien de ce qui se joue sous l'Occupation n'est étranger aux querelles littéraires d'avant-guerre, que rien de ce qui se jouera ensuite n'est compréhensible sans la guerre.
La première partie du livre traite des logiques littéraires de l'engagement des écrivains, à partir d'une enquête statistique et d'une étude des débats sur la "responsabilité de l'écrivain".
La deuxième analyse la façon dont se sont comportées quatre institutions : l'Académie française, l'Académie Goncourt, La NRF, le Comité national des écrivains (CNE). Véritable chronique au jour le jour des querelles littéraires de la France en guerre, elle met en scène petits et grands écrivains, vieilles gloires et jeunes ambitions, passions et sentiments en tous genres. Le tout fondé sur un dépouillement systématique de fonds d'archives peu exploités ou fermés jusque-là.
Enfin, la troisième partie se concentre sur la restructuration du champ littéraire après la Libération, marquée par la constitution de la "liste noire", l'Epuration et les polémiques qu'elle a soulevées jusqu'en 1953, date de la seconde loi d'amnistie, qui marque un véritable changement d'époque.
Tel est le cadre général de l'essai, une autre façon de peindre la vie littéraire en France, de regarder agir Aragon, Mauriac, Paulhan, Drieu La Rochelle, Maurras, Gide, Massis, Montherlant, Eluard, Henry Bordeaux, Ajalbert, Rebatet, Céline , Sartre et tant d'autres avec eux - qu'ils soient passés ou non à la postérité.